La Maladie de la Carte

TARGET PANIC (Maladie de la carte)

Par Jay Kidwell, 2008

Durant cette dernière décennie, j’ai travaillé avec littéralement des centaines d’archers du monde entier, souffrant des symptômes de maladie de la carte. Certains simples pratiquants pour le loisir, d’autres étant des compétiteurs de niveau national ou olympique. Notre compréhension de cette maladie est en constante évolution et les informations données ici sont les plus à jour actuellement disponibles.

La maladie de la carte est un problème que tout archer quel qu’il soit est susceptible de développer et est caractérisé par l’une de trois étape arrivant prématurément.

Trois symptômes de maladie de la carte

Les symptômes suivants sont décrits par 99% des tireurs qui viennent à moi parce qu’ils pensent être atteints de maladie de la carte.

1. Un ancrage prématuré

C’est lorsqu’un archer rencontre des difficultés à armer son arc jusqu’à son point d’ancrage normal. La main de corde et le bras se « verrouillent » et la puissance de l’arc semble trop élevée pour amener la corde à l’ancrage normal. Ce blocage peut même arriver avec des arcs de puissance ridiculement faible. Un ancrage prématuré peut arriver à n’importe quel moment avant d’atteindre le point d’ancrage final. Cela arrive le plus souvent près du dit point d’ancrage, mais j’ai déjà vu des archers s’arrêter de tracter ou commencer à lutter seulement à mi-course. Les tireurs qui souffrent d’ancrage prématuré vont souvent essayer de faire un bon tir en amorçant la visée pendant le tracté de corde et décocher une fois que la traction s’arrête. A cause de la décoche précipitée, certains tireurs et entraîneurs interprètent à tort l’ancrage prématuré comme une décoche prématurée. Quoi qu’il en soit, les deux sont étroitement liés et se traitent avec la même intervention.

2. Décoche prématurée

C’est lorsqu’un archer décoche involontairement sa flèche à un point quelconque de la phase d’armement, avant que l’ancrage ou la visée puissent être effectués. Les tireurs qui souffrent de ce symptôme peuvent alors trouver qu’il leur est impossible de tenir un quelconque ancrage quand ils pointent vers le centre de la cible. A un certain point du processus, la flèche sera PARTIE ! Le manque de contrôle qui caractérise une décoche prématurée est très frustrant.

3. Stabilisation prématurée

C’est lorsque l’archer arrive à son point d’ancrage final, mais lorsqu’il tente d’amener la flèche dans le jaune, son bras d’arc va heurter un « mur fictif » et ne pourra pas aller plus loin pour mettre sa visée en plein centre. Dans la tentative de compenser, l’archer souffrant de stabilisation prématurée va souvent accompagner son geste d’une décoche brutale et d’un coup de bras en direction du jaune.

Alors que beaucoup de tireurs sont victimes de la maladie de la carte en toutes circonstances, certains n’en souffrent que lorsque certains stimulis spécifiques sont réunis. Par exemple, une personne peut très bien souffrir de la maladie de la carte lors de tirs compétitifs, en tirant sur un gibier, ou en tirant sur une cible spécifique. J’ai entendu dire que c’est comme ça que le nom a été donné. C’était appelé initialement « gold panic » (maladie du jaune) comme les archers se retrouvaient bloqués (stabilisation prématurée) et incapables de diriger leur visée dans le centre jaune. En d’autres termes, ils ne « paniquent » que lorsqu’il y a un centre jaune. J’ai entendu des gens appeler ces stimuli spécifiques des « déclencheurs » parce que si le stimulus est présent il va automatiquement déclencher un symptôme de maladie de la carte.

La recherche sur ces symptômes a exposé quelques tendances intéressantes. Les tireurs utilisant une visée pointe ou un viseur ont tendance à développer un ancrage prématuré et une stabilisation prématurée tandis que les archers instinctifs tendent plus vers un ancrage et une décoche prématurée. De plus, plus un archer est sérieux – donc précis et appliqué – dans l’exécution de sa gestuelle et plus il est susceptible de développer une forme de maladie de la carte. Un bien plus haut pourcentage de tireurs précis et disciplinés est victime de la maladie de la carte que les tireurs du dimanche.

Idées reçues – Les causes

Il y a beaucoup d’idées reçues dans les livres d’archerie, les vidéos et sur Internet concernant la maladie de la carte. Ces idées reçues gâchent le temps et l’énergie des personnes confrontés au problème. Ci-dessous quelques commentaires sur les « explications » les plus courantes.

1. « Peur de l’échec », « peur de la réussite » ou « manque de confiance » – Il n’y a absolument aucune corrélation entre l’une de ces peurs et le développement de symptômes de la maladie de la carte. Bien sûr, l’un des effets secondaires est une baisse de confiance, cependant elle n’intervient qu’après le développement des symptômes. Pas avant. (Pour ceux qui se posent la question, au début de mes recherches j’ai conduit des expérimentations avec l’hypnose sans résultats positifs sur la maladie de la carte).

2. « Mauvaise gestuelle » – Un ancrage/décoche/stabilisation prématuré n’est pas une bonne gestuelle ! Bien sur cette explication implique que la mauvaise gestuelle de départ a créé le problème. La vérité est que les tireurs expérimentés avec une posture et un geste impeccables semblent les plus susceptible de développer un symptôme. Les tireurs avec une gestuelle foireuse ou irrégulière semblent presque immunisés au problème. C’est généralement quand une personne prend au sérieux sa performance et commence réellement à peaufiner sa technique que les symptômes de la maladie de la carte commencent à devenir évidents.

3. « Mauvaise concentration » – Celui-là va de pair avec la mauvaise gestuelle. Encore une fois la vérité est à l’opposé. C’est une fois que la personne devient régulière dans son tir et se concentre sur les bonnes choses à faire au bon moment qu’elle est le plus vulnérable au développement d’un symptôme de la maladie de la carte.

4. « Arc trop puissant » – Si vous tirez un arc trop puissant pour vous, vous aurez une tendance à faire l’expérience d’un ancrage et d’une décoche prématurée, en particulier avec la fatigue. Tirer avec un arc trop puissant peut contribuer au développement de la maladie de la carte. On me demande souvent de dire si un arc est trop puissant ou pas et je n’ai toujours pas de bonne réponse à cette question. Je vous encourage à choisir une puissance que vous pouvez contrôler à la fin d’un entrainement ou d’une compétition avec le même degré de confiance que vous aviez au début.

Idées reçues – les remèdes

Mentionnez les mots « maladie de la carte » sur la plupart des forums et des personnes avec de bonnes intentions vont commencer à vous donner toutes sortes de conseils sur comment « guérir » votre problème. Certains de ces conseils, en particulier les « ça a marché pour moi », on souvent une petite dose de vérité cachée. Jetons un œil à certaines des suggestions les plus courantes pour la gestion de la maladie de la carte.

1. « Changer de côté » – Ça fonctionne. Fred Bear et Howard Hill ont tous deux utilisés cette technique lorsqu’ils ont commencé à perdre le contrôle à cause de la maladie de la carte. Quand l’une de ces légendes commençait à sentir venir un symptôme de la maladie de la carte en tirant en droitier, ils commençaient alors à tirer en gaucher. Le contrôle du tir était transféré de l’hémisphère gauche à l’hémisphère droit du cerveau. Ça fonctionnera pour tout le monde, cependant soyez prêt à effectuer de nouveau le changement plus tard, voire de multiples fois. Si vous vous sentez en confort à tirer des deux côtés, le problème est réglé pour vous. Pour la plupart des gens, ce n’est pas confortable ou économiquement viable d’utiliser cette approche.

2. « un clicker » – Un clicker s’attache sur votre arc et a une cordelette qui s’attache sur la corde de l’arc. L’idée est d’ajuster la longueur de la cordelette pour que lorsque vous atteignez la pleine allonge, la cordelette soit alors en tension et déclenche le clic sonore lorsqu’on continue le mouvement de traction. Cela fonctionne sur le long terme pour un  faible pourcentage de tireurs. Les clickers ne sont pas chers donc vous ne perdrez pas grand-chose à part un peu de temps si vous voulez essayer.

3. « déclencheurs » – Il y  a un nombre de « déclencheurs » qui peuvent être utilisés pour traiter la maladie de la carte(Ne pas confondre ces « déclencheurs » avec les déclencheurs mentionnés plus haut, les stimulis spécifiques comme le jaune de la cible, qui sont associés avec le déclenchement des symptômes de la maladie de la carte). Basiquement, un clicker rentre dans cette catégorie. « Déclencheur » inclut tout élément nouveau qui peut être introduit dans le processus de tir ou qui se focalise sur le déclenchement de la décoche. Ce peut être un déclencheur psychologique comme une nouvelle pensée à laquelle vous pensez à la décoche, un déclencheur sonore comme celui du clicker, ou un déclencheur tactile comme arranger l’empennage pour qu’une plume touchant votre nez à pleine allonge déclenche le lâcher de flèche. Se focaliser sur la traction des dorsaux ou pousser dans la poignée d’arc peuvent être classés comme déclencheurs. Si vous souffrez de la maladie de la carte, tout changement que vous faites dans le processus de tir (comme les déclencheurs) sont susceptibles de vous libérer immédiatement de vos symptômes. On fait parfois référence à ces techniques comme « remède de trois jours », les effets positifs durant environ trois jours avant le retour des symptômes.

4. « Novel stimulus » – Novel (nouveau) stimulus tend aussi à rentrer dans la catégorie des remèdes de trois jours. Tout ce qui est nouvellement introduit dans votre technique risque de n’amener qu’un répit temporaire. Une différente posture, pré-viser avec l’arc plutôt que d’attendre la fin du mouvement, trajectoire de main de corde différente ou encore crochetage de la corde différent peuvent procurer un répit temporaire des symptômes de la maladie de la carte. Je ne découragerais personne d’essayer ces techniques ou d’introduire d’autres novel stimuli parce qu’elles peuvent améliorer votre technique sur d’autres points. L’expérimentation est une part du plaisir de tirer et c’est toujours excitant quand trouve quelques-chose qui nous propulse au niveau supérieur. Pour ce qui est de la maladie de la carte, je n’ai observé aucun bénéfice sur le long terme à utiliser des déclencheurs ou des stimuli de tous types.

5. « Faire de la paille » – La paille, une cible sans cible ni visuel apporte de nombreux bénéfices en ce qui concerne le travail de la gestuelle de tir. Les tireurs souffrant de maladie de la carte trouvent que tirer dans la paille les libèrent de leur symptôme (parce que le stimulus du centre de la cible est absent) et ils supposent donc à tort que cela règle leur problème. Chaque fois que vous pouvez décocher une flèche correctement va être une bonne chose, cependant la paille seule n’aidera effectivement à contrer la maladie de la carte sur le long terme que si aucun stimulus visuel n’est impliqué dans votre problème. La plupart des gens remarquent que la maladie refait surface dès qu’ils recommencent à tirer sur une cible.

La cause réelle de la maladie de la carte

Les hypothèses scientifiques doivent vérifier le critère de réfutabilité. Ce qui signifie qu’elle doit être vérifiable pour qu’on puisse juger de son exactitude. Beaucoup des soi-disant causes de maladie de la carte ne se plient pas au critère de réfutabilité ce qui fait qu’il est impossible de démontrer une possible relation de cause à effet. La cause réelle de la maladie de la carte – ou du moins de l’ancrage, décoche et stabilisation prématurés – a été identifié et validé. Les symptômes de maladie de la carte qui en résultent sont le résultat d’un « apprentissage » et de la « plasticité cérébrale ». En simplifié, le cerveau humain apprends à faire des associations entre les événements. Ces associations sont adaptatives et, dans la plupart des cas, permettent à quelqu’un de fonctionner de manière plus efficace dans son environnement. Alors que ces associations sont considérées comme une forme d’apprentissage, il ne faut pas négliger le fait que ces associations sont purement psychologiques de nature. L’apprentissage réel intervient à un niveau cellulaire lorsque le cerveau modifie et crée (plasticité) de nouvelles connexions basées sur l’expérience. Ces nouvelles connections peuvent autant aider que détériorer des performances sportives. Avant d’expliquer comment ce processus est appliqué à l’archerie et à d’autres sports, il faut se familiariser avec le mécanisme global d’apprentissage qui intervient.

Commençons par revisiter brièvement l’expérience réalisée par le physiologiste russe Ivan Pavlov, qui nous emmène à une compréhension de ce type d’apprentissage il y a plus d’un siècle. (Je vais simplifier pour ceux qui ne se sentent pas de retourner en salle de classe) Pavlov a expérimenté sur des chiens et découvert qu’il peut déclencher la salivation (la réponse – R) par un son (stimulus conditionné – SC – stimulus neutre qui ne cause pas de salivation) en le couplant à de la poudre de viande (stimulus non conditionnel – SNC – qui cause toujours la salivation). Pavlov présenta ces stimulis dans un ordre spécifique en commençant par le son, rapidement suivi par la poudre de viande qui fait saliver le chien. La description du processus de conditionnement classique est SC > SNC > R. Le chien apprend rapidement à associer le son (SC) à la poudre de viande (SNC) et commence à saliver ® quand le son (SC) retentit. Donc, une fois l’association apprise, le son déclenche la salivation (SC > R). La « loi de continuité » dis que « tout duo de stimuli apparié ainsi (SC > SNC) dans le temps et l’espace vont devenir associés ». Humains et animaux apprennent similairement par association. Bien sûr, les humains peuvent surmonter cet apprentissage par l’analyse et la compréhension qui conduit à l’action conçue pour éradiquer l’apprentissage qui a eu lieu.

La version simplifiée

Avant de vous fournir des exemples, je vais donner une manière simple de se rappeler le processus. D’abord on va assigner un nombre à chaque étape du processus. Ainsi le nombre 1 représente le son (SC), 2 représente la poudre de viande (SNC) et 3 représente la réponse salivaire ®. Le processus commence par 1-2-3. Une fois l’association faite et l’apprentissage accompli, la séquence se résume à un saut de 1 à 3, l’étape 2 n’étant plus nécessaire. Voilà, c’est intéressant, 1-2-3 est devenu 1-3. La plupart des entraînements canins sont basés sur cet apprentissage associatif. Dites « assis » (1) et poussez le postérieur du chien au sol (2) le chien s’assoit (3). Après suffisamment d’associations, vous constaterez que vous pouvez dire assis (1) et le chien s’assoit simplement (3). Cette réaction apprise est souvent mentionnée comme « réponse anticipatoire » parce que le cerveau apprend à anticiper ce qui vient ensuite dans le processus. Du temps où j’éduquais des chiens de rapport, on utilisait ces associations simples pour apprendre au chien à se lever, s’asseoir, se coucher, courir en ligne droite, tourner à droit ou à gauche sur commande. Le tout en utilisant le simple processus 1-2-3 puis 1-3.

J’utilise parfois l’expérience suivante pour introduire mes étudiants en psychologie à l’apprentissage associatif. Je rentre dans la classe et dit : « Sortez une feuille et écrivez votre nom en haut à droite ». Une fois que tous ont débarrassé leurs tables (ce que je n’ai pas demandé) et complété ma demande, je leur demande alors de trouver leur pouls et de compter les battements cardiaques pendant que je chronomètre une minute, puis je leur demande de la marquer sur la feuille. Une fois cette expérience terminée je commence mon cours sur l’apprentissage associatif. Après une vingtaine de minutes de cours, je leur demande de prendre à nouveau leur pouls et de l’écrire à nouveau sur le papier. Sans surprise, la deuxième valeur est bien inférieure à la première. Pourquoi ? Les étudiants apprennent rapidement à associer une feuille de papier portant leur nom en haut à droite avec une interro surprise, et les interros surprises rendent les gens anxieux.

Il faut souligner que la loi de l’association est une LOI. Ce n’est pas une tendance. C’est une loi. Cela signifie qu’à chaque fois que deux choses sont associées, l’apprentissage va suivre. C’est une loi parce que ce n’est pas fonctionnel (psychologie) mais biologique (physiologie). Les structures neurologiques changent réellement de connections avec chaque nouvelle association. L’apprentissage associatif cause un réel changement dans la matière constituant le cerveau. La bonne nouvelle c’est que la science de la psychologie a découvert un certain nombre de manières de remplacer des associations défectueuses par des associations plus adaptées à un but donné. Ces techniques se sont révélées à 100% efficaces en ce sens qu’elles changent la structure physiologique du cerveau. La technique la plus efficace que nous avons découvert pour changer les connexions défectueuses de la maladie de la carte est appelée désensibilisation systématique.

Exemple venus d’autres sports

Je veux partager trois exemples pour démontrer comment l’apprentissage associatif peut à la fois améliorer et diminuer les performances. Je vais garder notre analogie 1-2-3 vers 1-3.

1. « réflexes rapide » – L’apprentissage associatif peut souvent améliorer les performances sportives. Un arrêt-court de ligue majeure de baseball impressionne réellement lorsqu’il fonce sur sa gauche, décolle sur ses pieds, s’étirant en l’air pour intercepter la balle en tir plat. C’est comme s’il savait où la balle se dirige avant même que qu’elle ait été frappée par le batteur. Nous appelons ces actions athlétiques les « réflexes rapides » mais ce sont en réalités des comportements appris. Un arrêt-court professionnel a vu de nombreuses combinaisons de trajectoire de lancer et de battes swinguées dans sa carrière. Son cerveau apprends de ces associations et y réponds. Il voit (1) la balle dans une partie spécifique de la zone de prise et la batte qui suit une certaine trajectoire. Ceci est suivi par (2) la balle qui est frappée en trajectoire tendue sur sa gauche. Il répond par (3) en se jetant sur sa gauche pour attraper la balle. Bien sûr, plus tôt dans sa carrière il était souvent trop lent pour attraper cette balle, mais comme l’apprentissage avance avec des associations plus fines, il réalise que maintenant il réagit (réponse anticipée) au moment où la balle entre en contact avec la batte voire même avant. Il voit simplement (1) la balle dans une portion spécifique de la zone de prise et la batte lancée sur une certaine trajectoire qui l’envoient directement sur (3), son départ sur la gauche pour attraper la balle. Les deux exemples suivants démontrent comment l’apprentissage associatif diminue les performances sportives.

2. « Le tressaillement (flinch) » – Les gens qui pratiquent le tir avec des armes de poing de gros calibre développent souvent un problème appelé tressaillement qui est appris par association. La détente est pressée (1) et l’arme fait feu (2) ce qui fait que la main est propulsée en arrière et en haut (3) à cause du recul. Une fois ces associations ressenties plusieurs fois, on découvrira que si on leur donne une arme chargée avec une fausse cartouche dans la chambre, ils vont (1) presser la queue de détente et (3) leur main va bouger vers le haut et l’arrière (tressaillement) même si aucune vraie cartouche n’est tirée.

3. « Le yips » – Les golfeurs font l’expérience d’un problème avec leur put que l’on appelle « le yips ». Basiquement, ils perdent le contrôle de leur frappe et réalisent qu’avant qu’ils aient entièrement armé leur geste, ils commencent leur frappe vers l’avant de manière incontrôlable et tapent la balle prématurément. La procession standard des événements est (1) armement, (2) stop quand l’armement est terminé et (3) frappe de la balle. La réponse anticipée est (1) armement et (3) frappe avant que l’armement soit complet.

Comment se développent les symptômes

On va commencer par examiner comment les décoches et les ancrages prématurés se développent. Ces deux symptômes sont le plus souvent ressentis par les tireurs instinctifs. La décoche prématurée est la plus dominante, cependant les deux peuvent se manifester à des moments différents chez un même archer.

« La décoche prématurée » – Ici on regarde un processus dans lequel le tireur (1) tracte la corde, (2) ancre et (3) décoche. Avec la répétition, l’apprentissage associatif intervient et le tracté de corde (1) va sauter directement à (3) la décoche. Ce processus qui diminue les temps de réactions dans un sport crée des problèmes dans un autre.

« L’ancrage prématuré » – Cette association intervient plus tôt dans la séquence de tir. Ici le tireur (1) tracte la corde, (2) continue la traction jusqu’à atteindre le point d’ancrage et (3) ancre. Avec la répétition, l’apprentissage associatif intervient et le tracté de corde (1) va sauter directement à (3) l’ancrage avant que le point d’ancrage normal soit atteint. Le tireur va se verrouiller et l’arc va sembler trop dur à armer plus loin. Ce blocage ou ancrage prématuré peut potentiellement frapper à n’importe quel moment de l’armement de l’arc.

« la stabilisation prématurée » – Ici on regarde un processus dans lequel le tireur est à ses contacts et (1) déplace sont point de visée vers le centre de la cible, (2) atteint le centre de la cible et (3) stabilise sa visée sur le centre avant de décocher. Avec la répétition, l’apprentissage associatif intervient et le tireur (1) déplace sa visée vers le centre de la cible pour (3) stabiliser sa visée alors que le centre n’est pas encore atteint. Beaucoup d’archers décrivent le phénomène comme s’ils « heurtaient un mur » et étaient incapable de déplacer leur point de visée en direction du centre de la cible. Ce problème est associé à la visée et est le plus souvent ressenti par les archers utilisant un viseur, une visée pointe et autres… Les tireurs instinctifs souffrent probablement aussi de ce symptôme mais ils n’en sont pas forcément conscients du fait qu’ils n’ont pas de relation intime avec un  point de visée. Mais cela peut quand même affecter leur précision.

Exercices pour remédier aux problèmes d’ancrage, de stabilisation et de décoche

Les exercices suivant ont été mis au point à travers mon travail personnel avec littéralement des centaines d’archers qui souffrent de maladie de la carte et du feedback reçu d’autres tireurs et entraîneurs de tir à l’arc. Notre expérience a été que les personnes souffrant de réponse anticipée ou prématurée vont commencer à remarquer un notable regain de contrôle après quelques minutes en intégrant ces exercices dans leurs sessions d’entrainement. Pour une intervention efficace sur le long terme, il faut continuer à pratiquer ces exercices en entrainement pour empêcher les associations défectueuses de se reformer. Appliqués correctement, le taux de succès est de 100% (voir les commentaires de Charles Land, entraîneur olympique sur ce site). Bien sûr, ce taux de succès implique que quelqu’un travaille avec vous pour appliquer le « traitement ». L’entrainement personnalisé est toujours à favoriser cependant, la plupart des archers victimes de maladie de la carte trouvent qu’il est relativement facile d’appliquer des exercices en solitaire pour régler leurs problèmes spécifiques. Les exercices sont conçus pour désensibiliser systématiquement le stimulus « déclencheur » et créer de nouvelles connexions physiologiques adaptatives.

EXERCICE 1

Cet exercice est conçu pour remplacer l’apprentissage défectueux associé à votre point d’ancrage et est un traitement efficace contre une décoche prématurée et un ancrage prématuré (sous-allonge). Pour réaliser cet exercice, vous allez armer l’arc un demi-pouce plus loin que votre point d’ancrage normal puis « glisser » jusqu’à revenir au bon ancrage. En bref, vous allez sur-allonger d’un demi-pouce environ. Vous pouvez également sur-allonger d’un demi-pouce puis revenir d’un pouce complet et tracter de nouveau jusqu’à atteindre le point d’ancrage et décocher. Ce que vous communiquez à votre subconscient, qui est la partie du cerveau qui agit associations précédemment apprises, est que votre ancrage n’est plus prévisible et donc d’arrêter « d’anticiper » cet ancrage par une décoche involontaire ou un blocage en sous-allonge. Pour ceux qui souffrent de décoche prématurée, il se peut que vous deviez agripper la corde fermement jusqu’à ce que vous ayez regagné un peu de contrôle. Il y a un type qui m’a dit avoir été obligé de se verrouiller les doigts au chatterton sur la corde pour ne pas décocher involontairement !

EXERCICE 2

Cet exercice est conçu pour désensibiliser votre subconscient de la cible et est une solution efficace pour un problème de stabilisation prématurée. Armez en direction de la cible jusqu’à l’ancrage normal, et décrivez un 8 dans l’air où l’intersection centrale du 8 coïncide avec le centre de la cible. Puis revenez au repos et détendez-vous. Répétez encore l’exercice, puis à un moment donné, arrêtez-vous en plein centre et décochez. Ce que vous communiquez ici est que le centre de la cible, là où vous vous arrêtez n’est plus prévisible et donc d’arrêter « d’anticiper » en bloquant la visée trop tôt. Vous pouvez varier un peu en fonction de votre séquence de tir habituelle, si au lieu de pointer directement le centre vous arrivez par-dessus ou dessous, faites des passes haut-bas et droite-gauche en alternance. Le 8 ressemblera alors plutôt à un signe « + ». Après avoir fait cet exercice un certain nombre de fois, faites un autre exercice dans lequel vous passerez devant le centre une fois puis tiendrez la visée et décocherez à la deuxième passe.

EXERCICE 3

Une variante de l’exercice 2 : ici vous déplacerez le point de visée vers le centre, puis loin du centre, comme si vous coupiez une part de tarte. Venez sur le centre, tenez, puis éloignez-vous, puis revenez dessus etc… De manière aléatoire, tenez la visée et décochez.

Lorsque vous pratiquez ces exercices, il est important de rester concentré sur la gestuelle. Restez relaxé et faites tranquillement quelques séries d’exercice. Comme un golfeur qui fait quelques swings dans le vent avant de se mettre en place et taper réellement dans la balle. Une fois que vous aurez regagné le contrôle sur votre gestuelle, je recommande d’intégrer ces exercices dans vos sessions d’entrainement pour maintenir ce contrôle. Personnellement je n’ai jamais souffert d’aucun des symptômes de la maladie de la carte. Il y a eu parfois des moments où je les ai sentis pointer le bout de leur nez, cependant j’ai intégré ces exercices dans tous mes entraînements (y compris à la chasse) afin que ces défauts ne puissent pas prendre prise.

témoignage de Fred recueilli sur les réseaux sociaux

La maladie de la carte ou syndrome de l’asservissement de la décoche*
*Décoche involontaire dictée par une force inconsciente et programmée
Ceci est le témoignage de mon expérience et de mes études. J’ai voulu en faire partager le fruit aux archers rencontrant ce problème.
Prenez le comme tel et non comme une étude universitaire. D’accord, pas d’accord, ne tirez pas sur l’ambulance. Merci.

Beaucoup d’archers connaissent le phénomène. Ouverture des doigts, la flèche part et en même temps alors qu’elle n’est pas arrivée, on sait que ce n’est pas bon, on se dit « mince, c’est pas là, je le savais, je n’étais pas prêt, je n’ai pas tenu mon bras, pourquoi ai-je ouvert les doigts, c’est trop haut, c’est trop bas, je ne voulais pas décocher, mes doigts ont glissé .. »
L’ouverture des doigts, la décoche n’était pas voulue, pas dictée par le conscient mais impossible à empêcher.
Que s’est-il passé ?
Des milliers de flèches tirées (Cette atteinte ne touche pas un débutant) ..
Des milliers de flèches tirées avec pour séquence : Encocher, armer, arriver à l’allonge, point d’ancrage, visée ou pas, décoche.
Des milliers de répétitions méthodiques du même geste et parfois sans même en avoir conscience vider son carquois …
Tout comme Pavlov l’a mis en évidence nous créons une séquence automatique, un conditionnement donc la phase terminale est l’ouverture des doigts.
L’ordinateur qu’est notre cerveau se programme doucement mais inexorablement et invente un déclencheur, un fin de course, un bouton qui prend le pas sur la totalité du système, sur la volonté même. C’est le fin de course qui ordonne l’ouverture des doigts et plus la volonté consciente de le faire.
Chacun a son fin de course, son bouton déclencheur… Toucher le point d’ancrage, une durée programmée du cycle de tir, un passage de pointe devant la cible ou un point particulier, une distance entre le point que l’on veut atteindre et la pointe de flèche vue en flou ou en net … Chacun a le sien.
Pour moi c’est devenu une durée de cycle, une répétition des milliers de fois de la même chose sans réfléchir, dégainer et tirer.
Armement, encrage, durée … tic tic tic tic les doigts s’ouvrent. Mince pourquoi ai-je fait ça, ce n’était pas bon. Je recommence … idem ça part tout seul, je savais que j’allais rater.
Nous venons de créer un système automatisé dans lequel l’ouverture des doigts fait partie d’une séquence qui « doit » aboutir une fois lancée. Les doigts s’ouvriront parce que le tir est programmé ainsi, qu’on le veuille ou pas.
Faisons un essai : Face à un paillon, à 5 mètres, séquence de tir, aucun objectif, je suis dans le vide, rien de spécial à atteindre. Armement, ancrage et là je décide de ne pas tirer. C’était de toute façon su depuis le début que je ne tirerais pas. Ça marche, je peux désarmer, pas d’objectif, hors séquence, hors programme.
Face au même paillon. Un point très petit, précis. Je veux y coller ma flèche. Armement, ancrage, ajustement ou visée et là, impossible de retenir ma décoche.
Je viens de lancer une procédure automatisée de tir. Je n’ai plus le contrôle de mes doigts.

L’objectif sera maintenant de reprendre le contrôle. De rendre au conscient la décision d’ouvrir ou pas les doigts, quand et si on le veut.
IL faut donc supprimer ce fin de course, le contourner ce petit capteur dans notre cerveau qui prend le dessus sur la volonté consciente.
Le travail est long et parfois frustrant. Long en flèches ratées face à un paillon tout prêt, long en échecs à retenir sa décoche, long en volonté, long en temps passé mais pas en durée. Même si le spectre en restera j’en ai peur toujours là.
N’ayant aucune connaissance dans le tir avec un décocheur, je prie les archers utilisant cette technique de me pardonner si je ne traite pas cette méthode. Je pense que si problème ils ont, il s’apparente au problème que certains tireurs d’élite peuvent rencontrer, l’impossibilité de déclencher le tir. C’est là une névrose différente, mes dizaines de milliers de cartouches tirées m’en ont donné l’exemple. Ce qui différencie l’archer du tireur par arme à feu c’est l’action musculaire.
Avec une arme à feu le déclenchement requiert une mise en action musculaire. Pour nous archers, le déclenchement est le résultat de l’arrêt d’une action musculaire, on cesse de retenir la corde.
La différence est énorme car à la fin de la séquence de tir programmée et automatisée, l’objectif est bien d’ouvrir les doigts, de cesser de retenir. C’est un des éléments de la séquence, shut down, on coupe le courant, le cerveau débranche l’action consciente et ça part.

Reprendre le contrôle c’est sortir la décoche de la séquence de tir.
La décoche c’est autre chose, c’est le dessert, c’est le Graal.
Je décoche si je veux et quand je veux, car c’est autre chose.
L’objectif est comme pour le tireur d’élite de pouvoir suivre une séquence qui en finalité donnera l’autorisation (par un bridge, un pont) de basculer dans une autre phase, la phase finale, le déclenchement du tir ou pas. C’est le « ou pas » qui est important.
Commençons à 5 mètres. Facile, pas d’enjeu, pas de risque.
Encochage, armement, ancrage, ajustement pour toucher ce point minuscule que l’on veut atteindre sur le blason et … rester là, refuser d’ouvrir les doigts. Il m’a fallu des dizaines d’essais avant d’y arriver, des dizaines de flèches parties alors que je ne voulais pas les lâcher.
De amorces d’ouvertures retenues avec succès ou pas, tenir, désarmer, réussir, échouer, lâcher si je décide consciemment.
Curieusement à chaque distance tout est à refaire. Pourquoi ? Le doute ? Je maitrise le déclencheur à 5 m, pas du tout à 15, 20 ou 30 ? Chaque distance sera à reprogrammer, à travailler.
Je remarque que le doute et l’absence de certitude sur la hauteur génèrent un stress qui altère lui aussi la volonté consciente et la capacité de retenir ma décoche.
A 5 m je suis sûr de moi alors j’y arrive mieux, après un moment j’arrive à décider d’ouvrir les doigts ou pas, de tirer ou de désarmer. Ensuite il y aura 10, 15,20,25,30,7,17,23,27 …
Je remarque qu’à cette distance, à 5 mètres, je ressens une sorte de plaisir, de bien être dans l’assurance d’être parfaitement certain d’être bien réglé, bien ajusté.
Pour moi, ce sera ce que je vais rechercher, ce sera ça mon déclencheur, mon nouveau fin de course.
Pas celui qui ouvre les doigts mais celui qui est ma fin de séquence de tir, cette fin qui autorise à passer en phase de tir.
Mon déclencheur ce sera le bien être, le calme, cette paix apportée par la certitude.
Chacun trouvera le sien, son déclencheur, son bouton qui validera la fin de l’ajustement ou de la visée et autorisera à entrer en phase de tir potentiel, ouvrir les doigts ou pas.
Rechercher ce bien être, cette sensation, en jouir un instant et basculer en phase de tir pour autoriser une décoche décidée consciemment et sure.
Parfois ne pas décocher, juste savoir que j’étais bon sur tous mes paramètres de tir. Programmer ce nouveau déclencheur pour effacer le « trigger » mécanique de la séquence « Armement, ancrage, décoche ». A la place installer « Armement, ancrage, ajustement, certitude et bien être , stop » je bascule en phase de tir et autorise le conscient à ouvrir les doigts ou pas.
L’ouverture des doigts est mon dessert, le fruit de tous les autres éléments mais elle n’appartient plus à la séquence, je l’en ai sortie. La recherche du « bien être » prime sur la volonté du « tué » qui précipite dans l’action de peur de rater, c’est ce qui ouvre la porte à la suite.
A l’entrainement, je joue à viser différentes cibles, avoir la certitude de faire un 11, et désarmer.
Je fais des séances de non tir, ne décochant qu’une fois sur 5 ou 6.

Un ami archer, qui tire en TL m’a dit avoir vu passer un casque de cycliste, dans son viseur, devant la cible un jour de concours, une fraction de seconde avant de déclencher son tir. Combien d’archers seraient capables, une fois le tir ajusté, de ne pas ouvrir les doigts au dernier instant ? La réponse m’a fait peur ..
Le travail est long et la victoire ne sera à mon sens jamais acquise. C’est un combat permanent, une fois que le passage est ouvert, de ne pas l’emprunter, de ne pas replonger. Le plaisir et la fierté qui découlent de reprendre la maîtrise en vaillent la peine.
J’ai expérimenté plusieurs exercices pour reprendre le contrôle.
Désarmer lorsque je suis en fin de séquence avant de tirer, à toutes les distances, promener ma pointe de flèche d’une cible à une autre en refusant de tirer même si je suis ajusté pour revenir à la cible initiale et essayer de désarmer, faire des séances de non tir. Le but étant de résister à cette décoche qui échappe à la conscience.
Souvent sur une série de 6 flèches, une seule sera décochée volontairement, puis ce sera deux, trois ou cinq.
Mon plus grand combat a été de ne pas tirer.
Merci à tous de m’avoir lu jusqu’ici. J’espère que ce témoignage aidera ceux qui se trouvent perdus ..
Fred